Critiques & Cie

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La Peau de chagrin (1831)

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La Peau de chagrin

De Honoré de Balzac ( 1831)

 

   Avec l’un de ses premiers romans, le jeune Balzac pose les bases de sa philosophie et de son style qui transparaîtront dans tout la Comédie Humaine. Toutefois ce roman teinté de mysticisme et d’exotisme occupe une place bien particulière dans l’oeuvre de l’écrivain réaliste.

 

   Le récit retrace le parcours de Raphaël, jeune homme dépressif et sur le point de se donner la mort. Presque par hasard, il trouve une peau de chagrin dans une boutique d’antiquités dont le vendeur affirme qu’elle est magique: elle aurait le pouvoir d’exaucer tout souhait. L’antiquaire le met cependant en garde; acquérir ce talisman revient à conclure un pacte avec le diable ; à mesure que les vœux se multiplieront, la peau rétrécira jusqu’à disparaître; entraînant la mort de son propriétaire. Sceptique dans un premier temps, Raphaël va vite se rendre compte que l’objet semble bien disposer de ces pouvoirs. S’il connaît d’abord une période de jouissance, il va vite déchanter en réalisant qu’il est tombé dans une spirale infernale et tentera tout pour échapper à son funeste destin, en vain :il ne fera que se précipiter vers la tombe sans le vouloir.

 

   Le roman est découpé en trois parties, l’auteur nous présente d’abord son personnage principal, désabusé, avant de décrire savoureusement la boutique de l’antiquaire avec moult détails et une pointe de mysticisme exotique bienvenue. Puis dans un second temps, nous découvrons le passé de Raphaël à travers le récit qu’en fait le personnage à un de ses “amis”. Toutes ses désillusions et épreuves nous y sont relatées et nous comprenons comme il en est arrivé là. Enfin dans une dernière partie nous assistons à la déchéance du “héros”; prisonnier de son talisman qui représente son âme et sa force vitale , Raphaël lutte vainement pour échapper à la fatalité.

 

 La force du récit réside avant tout dans son personnage principale : jeune homme assez médiocre à qui la fortune et la vie n’ont pas souri. On le suit dans chacune des étapes qui le conduiront à sa fin dans un état d’impuissance. Nous connaissons le dénouement depuis le début mais nous ne pouvons rien faire pour l’empêcher de se produire. Raphaël aussi en a conscience mais refuse de l’admettre. Le récit tragique deviendra même une morbide absurdité lorsque pour s’accrocher à la vie, le personnage “vit comme un mort” , si tant est que cela soit possible : dormant toute la journée, ne se levant que pour manger etc. En voulant éviter tout désir pour espérer quelques semaines de vie supplémentaires, Raphaël finira par mourir à cause d’une pulsion sexuelle et non de la disparition du talisman.

 

 Malgré les relents fantastiques du roman, Balzac reste Balzac et fait don du Balzac dans el texte. On retrouve donc dans La Peau de Chagrin une critique acerbe d’une société fracturée, insensible et superficielle à l’image de la comtesse Foedora. Le “mal du siècle” qui touche la jeunesse de l’époque y est également très présent à travers les sentiments de Raphaël. Enfin si le récit ne peut être qualifié de “roman historique”, les événements historiques servant seulement de lointaine toile de fond, on découvre ou redécouvre tout de même la description d’une France à cette époque viciée et illusoire.

 

 Au niveau du style, Balzac est fidèle à lui-même avec de longs passages descriptifs très détaillés et parfois poétiques qui peuvent s’étendre sur des pages. Si vous n’y arrivez pas avec son style d’écriture , passez votre chemin car La Peau de chagrin n’est pas forcément plus accessible ou vulgarisé  que ses autres livres. Les dialogues sont somme toute peu nombreux mais toujours pertinents et vivants, Balzac ayant retranscrit avec exactitude le phrasé des différents catégories sociales.

 

Pour conclure/Le mot de la fin

 

  Si ce roman à la limite du fantastique semble éloigné des codes stricts du réalisme dans lequel brillera Balzac durant le reste de sa carrière, La Peau de chagrin  n’est pourtant pas  à mettre de côté de son oeuvre. Le livre s’inscrit en effet très bien , malgré sa différence, dans l’oeuvre globale de La Comédie Humaine. A la fois récit introspectif sur la chute d’une jeune âme et tableau d’une société malade et corrompue , La Peau de chagrin est un classique . Ajoutez-y le talent stylistique de Balzac et sa vision réaliste et pessimiste et vous aurez un très grand classique qui donne  à réfléchir.

 

Ma note: 17/20 Un Balzac surprenant qui prend aux tripes tout en instruisant, dénonçant et intrigant. A lire et à relire.

 

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27/08/2017
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