Critiques & Cie

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The Man in the High Castle (2015-2017)

The Man in the High Castle

Amazon Series ( Saison 1 et 2 ; 2015-2017)

 

Adaptation plutôt libre du roman de Philip K.Dick, The Man in The High Castle  est une uchronie glaçante qui nous plonge au coeur d’un monde où le IIIe Reich et l’empire Japonais dominent suite à la défaite des Alliés.

 

 Dans cet univers “alternatif” Hitler a obtenu l’arme atomique avant les Etats-Unis et en a usé pour remporter la victoire. La série se déroule vingt ans après la fin de la guerre mondiale et ne nous en dit pas beaucoup plus sur les circonstances de la victoire de l’Axe. La découverte de ce monde régi par nazis et japonais se fait petit à petit au fil des épisodes et bien souvent par de simples détails du quotidien des personnages qui sont tout sauf anodins et ne manqueront pas d’interpeller le spectateur. La première force de cette série c’est surtout son univers qui est savamment construit et jouit d’une crédibilité et d’une cohérence indispensable à toute oeuvre de ce type.  Cela passe par la présence de plusieurs personnages historiques (Hitler et ses ministres en premier lieu) mais aussi par une volonté de montrer réellement ce qu’aurait pu être un monde où l’Allemagne nazie aurait gagné.  Ainsi on est amené à découvrir un Berlin conforme aux rêves du Führer, une politique de surveillance généralisée, un culte de la personnalité , l’euthanasie organisée et forcée des infirmes , la traque des derniers juifs rescapés etc. L’action se déroule principalement dans une Amérique du Nord scindée en trois parties distinctes : la côte Ouest ou Etats du Pacifique sous régence japonaise, la côte Est ou Reich Américain sous la houlette des nazis et la Zone Neutre au centre qui a des airs de Far West miséreux. L’ambiance est quasiment parfaite entre des costumes magnifiques, une direction artistique aux  petits oignons et une musique anxiogène à souhait ; on se sent constamment oppressé comme les personnages. Il y a bien quelques incrustations numériques qui piquent les yeux mais rien d’impardonnable.

 

 Les premiers épisodes servent à fixer le contexte et présenter les divers personnages qui , suite à un judicieux choix scénaristique, appartiennent à toutes les catégories de la société. On aurait pu craindre une banale intrigue centrée sur des Résistants luttant contre la dictature mais au final ces derniers , bien que présents et parfois importants, ne sont pas forcément les protagonistes les plus centraux ou intéressants. On retrouve d’abord les personnages emblématiques du livre, parfois représentés assez fidèlement comme le sage ministre Tagomi, Juliana Crain ou l’antiquaire véreux  Robert Childan, et souvent très librement comme un Frank Frink bien moins amorphe et médiocre que dans l’oeuvre d’origine ou Joe Blake bien plus développé dans sa complexité. D’autres rôles ont été créés par les scénaristes du show et ils sont de réelles valeurs ajoutées en particulier l’Obergruppenfuhrer John Smith, un officier S.S à plusieurs facettes qui est placé au coeur du récit et pas seulement comme un antagoniste uniforme. Par contre le Yi King, ce fameux livre chinois archaïque de prédiction qui occupe une place prépondérante dans l’ouvrage est certes présent mais de manière beaucoup plus réduite.

 

Si la première saison , ou du moins son début , suit assez fidèlement la trame du livre ; la série finira par prendre une autre voie pour explorer de nouveaux lieux et poursuivre l'histoire assez brève du roman originel ( quelques épisodes suffisent à la couvrir intégralement). Mais ces changements ne trahissent jamais l’esprit de l’oeuvre de Dick et sont même souvent pertinents avec par exemple la très bonne idée de faire de l’écrivain Abendsen censé avoir publié un livre présentant un monde où les Alliés auraient gagné et accessoirement ce fameux “Maître du Haut Château” , un réalisateur de films qui montrent de façon incroyablement réaliste cet autre "monde" débarassé du nazisme mais pas forcément de tous ses maux à commencer par l'arme nucléaire.. Une actualisation de cet élément central de l’intrigue qui modernise le tout et surtout se révèle parfaitement adapté au format audiovisuel.

 

  Toutefois la série peine un peu à traiter tous ses personnages de manière optimale et certains arcs narratifs se révèlent moins intéressants que d’autres même si au final les scénaristes trouvent toujours un élément capable de garder les spectateurs en haleine malgré un rythme globalement lent ( surtout lors de la saison 1). La présence plus marquée d’une rébellion loin d’être innocente et l’intensification de la guerre froide entre Allemands et Japonais accélèrent un peu les choses dans la deuxième saison qui n’hésite pas à faire bouger les lignes et à remettre en question un manichéisme apparent notamment à travers la violence terroriste des résistants ou le désir de paix d’hommes tel que Tagomi. Même l’officier nazi John Smith parvient à susciter l’empathie du spectateur.

 

 Les protagonistes se retrouvent tous , à un moment à un autre, pris dans la grande Histoire qui se joue autour d’eux et souvent malgré eux. Il est difficile de dégager un ou deux “héros” tant les divers personnages principaux sont développés. avec la même attention. La frenchie Alexa Dalavos (Le Choc des Titans, Les Insurgés) incarne une Juliana Crain tout en nuances qui doit panser ses blessures et regrets du passé pour faire face aux épreuves qu’elle endure tandis que Rupert Evans (The Boy) et Luke Kleintank (Bones, Max) en Frank et Joe  alternent le très bon et le moins bon. Joel de la Fuente(Hemlock Grove), Brennan Brown (Focus) et DJ Squalls (The New Boy) se révèlent touchants dans leurs rôles respectifs plutôt inattendus d’officier de police japonais, d’antiquaire cupide ou de simple ouvrier; tous pris dans la tempête de l’Histoire.  Mais ce sont surtout Rufus Sewell (L’Illusionniste , Chevalier) en officier nazi et Cary-Hiroyuki Tagawa (Pearl Harbor) en dignitaire japonais qui s’illustrent , ils crèvent littéralement l’écran et parviennent à surprendre, émouvoir et indigner en campant des personnages loin d’être stéréotypés. Il y a notamment une scène de la saison 2 où le personnage de Sewell, parti pêcher au lac avec son fils , se retrouve tiraillé entre sa patrie et sa famille ;  et sans prononcer un mot ou presque de toute la scène l’acteur nous fait ressentir tout ce qui peut se passer sous le crâne du personnage.  Des figures historiques réels font également leur apparitions à commencer par des Hitler ou Heydrich à vous glacer le sang. Certains personnages secondaires seront aussi amenés à prendre de l’importance et amèneront encore plus de diversité dans les relations entre personnage avec différents résistants aux motivations différentes, des citoyens allemands du Reich etc.

 

La série tombe également parfois dans une science-fiction teintée de fantastique ( comme dans le livre) ; la démarche de respecter cet aspect de l'oeuvre d’origine sur ce plan est louable d’autant plus que les scénaristes auraient pu ne pas prendre ce risque en restant sur une vision très réaliste de l’univers. Cette dimension surnaturelle n’est pas forcément des plus centrales dans la série mais elle est amenée subtilement , donne lieu à quelques très belles scènes et ouvre la porte à la réflexion sur notre monde , le déroulé de l’Histoire etc.

Le mot de la fin:

The Man in The High Castle avait fort à faire en adaptant le roman culte de Dick sous format télévisé et s’en sort finalement avec brio. Si tout n’est parfait au niveau du rythme et que la série a tendance à se disperser un peu c’est au bénéfice de la découverte d’un univers uchronique aussi fascinant que troublant. Les cartes sont rebattues dans ce monde là bien différent du nôtre mais entre lesquels certains parallèles sont dessinés ( Guerre Froide, Peur de l’atome , virée de Tagomi dans ce qui ressemble à notre monde grâce à Yi-King etc.). Entre les affaires politiques, les luttes partisanes et les intérêts personnels la série construit une intrigue solide et captivante où la frontière entre Bien et Mal n’est pas aussi évidente qu’il n’y paraît; un parti pris audacieux quand on parle d’un monde dirigé par les nazis.

 

Ma Note : 18/20

 

 



28/08/2017
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